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Encore une heure
25 avril 2013

Chapitre 4

 

Lorsque je ne m’affairais pas derrière le bar, j’étais assise à ma table favorite, la 7. Elle n’avait pas été désignée au hasard, mais selon mon chiffre porte-bonheur -ouais, toutes les filles ont ça !-, qui était simplement le jour de ma naissance : le 7 Novembre. Tournée de trois-quarts vers le comptoir, je pouvais observer l’ensemble de la salle, décorée à l’effigie des ZZ Top, célèbre groupe de rock, originaire de Houston. Mais j’avais surtout une vue imprenable sur Cyprien, le barman et personnage principal de tous mes rêves érotiques.

Sa carrure imposante s’associait à merveille avec les cheveux noirs qui lui encadraint le visage et avec son regard ténébreux. Aux premiers abords, il pouvait paraître intimidant et sauvage, et croyez-moi, dans mes rêves c’était un animal enragé, mais en réalité il avait un grand coeur.
Lorsqu’il servait des jeunes filles, il se plaisait à faire rouler ses muscles sous son traditionnel marcel blanc, et à exhiber ses bras parfaitement proportionnés. De surcroit, son père était procureur, bref en plus d’un physique de rêve il avait une famille respectable. Rien de comparable avec mes parents, tous les deux assistants médicaux.

- Arrête de le dévorer du regard comme ça, me taquina Priscilla, désespérée de me voir enamourée d’un playboy, ou sinon tu vas finir par lui trouer le visage, ça serait dommage, non ?

- Je ne le dévore pas du regard, me défendis-je, je surveille simplement qu’il ne met pas trop de rhum dans mon cocktail.

Pour suivre la tendance actuelle, je commandais comme tout le monde un Mojito, bien que n’appréciais pas excessivement le rhum. C’était bien évidemment la boisson la plus chère de la carte (excepté le Champagne), mais travailler ici deux soirs par semaine, présentait certains privilèges.

Nos rafraichissements arrivèrent à peine trois minutes après que nous ayons franchi les portes du bar. J’avais fait un signe de la main à Cyprien, qui m’avait répondu par un clin d’œil.

Je confiai à Priscilla mes craintes vis-à-vis de la rencontre parents-professeurs, et lui parlai aussi de ma dernière résolution : me rebeller contre Chalamangé si jamais il continuait à ridiculiser devant la classe. Une heure plus tard, mon amie décréta que je m’étais suffisamment rincer l’œil et nous prîmes nos affaires pour partir. Je pivotai une dernière fois dans la direction de Cyprien, et le découvris en compagnie de deux filles. Avec une pointe de regret, j’enfilai mon blouson et me dirigeai vers la sortie.

- A demain Mélo, lança une voix chaleureuse dans mon dos. Je savais à son intonation, que Cyprien avait accompagné sa phrase d’un large sourire. Je me retournai et le lui rendit. Il était éblouissant. Je senti mon pouls s’accélérer et mes joues tiédirent, alors que je poussais la porte.

 

Le lendemain j’arrivai au lycée de fort mauvaise humeur : Harmonie m’avait ennuyée tout le petit-déjeuner avec ses histoires insignifiantes de collégienne. Pour couronner le tout, Jimmy devina la couleur du tailleur de Mme Deboulit (vert, quel chanceux !), et posa une question ridicule à Damien à propos de ses plaisirs solitaires. Les mecs ont vraiment un problème avec « ça »… 

C’est en mode boule de nerf que je m’assis à côté de Priscilla, dans la salle de Chalamangé. Il se battait avec le rétroprojecteur, ce qui signifiait que nous allions encore passer une demi-heure à faire les artistes sur un fond de carte d’une grande puissance mondiale.

- Ah non j’ai dérapé, se désola Priscilla, regarde ça…

Elle posa son croquis du Japon sur le miens, pour me montrer l’ampleur du « désastre ».

- Oh non, tu as débordé…, lui dis-je ironiquement.

 Mon crayon rouge en main, je traçai furtivement un trait rouge en plein milieu de son océan Pacifique. Elle tira sur sa feuille de la main gauche et donna un coup de crayon de la main droite, pile au centre de ma carte. Nous commençâmes à nous chamailler et à glousser telles des dindes que l’on envoie à l’abattoir. À peine une minute plus tard, nos cartes ressemblaient à s’y méprendre, aux dessins que l’on fait en maternelle, et Chalamangé nous fixait, appuyé contre son bureau, les bras croisés sur la poitrine.

- Dites-moi, mes demoiselles…

Nous nous immobilisâmes, les bras de l’une entremêlés à ceux de l’autre. Je me tournai vers Priscilla et soupirai. Elle comprit immédiatement que cette fois, je ne laisserai pas s’en tirer si facilement. Je lâchai mon crayon, ramenai les bras devant moi, et serra les poings sur la table. J’étais prête à en découdre une bonne fois pour toutes…

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